Photo-Drame de la Création
Le Photo-Drame de la Création fut un film en quatre parties, d'une durée totale de huit heures, produit par la Société Watch Tower sous la direction de son président Charles Taze Russell. Le film présentait les croyances de Russell relatives au plan de Dieu, depuis la création du monde jusqu'à la fin du Règne de mille ans du Christ. D'un point de vue technique, ce film était très en avance sur son époque, bien que d'autres réalisations semblables aient vu le jour quelques années plus tôt.
Sommaire
Conception et synopsis
Dès 1912, Russell avait l'idée de produire un film parlant qui retracerait l'intégralité de l'histoire biblique. Des films tels que La Vie et la Passion de Jésus-Christ et From the Manger to the Cross, alors récemment produits, l'avaient convaincu qu'un film était la meilleure façon d'attirer les foules. Russell fit part publiquement pour la première fois de son plan lors de la Convention des Étudiants de la Bible de Little Rock dans l'Arkansas en juillet 1913.[1]
Le projet était alors un projet ambitieux puisque le cinéma était encore muet à l'époque. Toutefois, ce rêve se concrétisa en janvier 1914, lorsqu'un film qu'il nomma Photo-Drame de la Création, composé de quatre parties, vit le jour. Cette création artistique consistait en une projection d'un film accompagné de plans fixes colorés sur verre (des diapositives), le tout synchronisé avec des enregistrements sur disques de 96 discours et de musique (les morceaux musicaux utilisés était Narcissus et Humoresque, entre autres)[2] diffusés par le moyen de phonographes.[3] Étant donné que le film réussissait à synchroniser la voix de Charles Russell avec ses attitudes à l'écran — ses lèvres bougeaient en même temps —, et que des scènes rares étaient présentées — épanouissement d'une fleur, éclosion d'un poussin en images accélérées —,[4] cette production fut généralement considérée comme une prouesse technique par rapport aux moyens de l'époque.[5]
Les discours et la musique étaient enregistrés sur des disques de 12 pouces ayant une moyenne de 80 tours par minutes, produits par la Columbia Record Company. Ce fut le conférencier Humphries qui prononçaient les discours avec un style très proche de celui de Russell; toutefois, une analyse révéla des différences dans la structure de la voix des deux hommes.[6]
Les diapositives furent peintes par des artistes à Paris, à Londres, et surtout à Philadelphie et à New York. La propre salle d'art ("Art Room") de la Société Watch Tower fut également utilisée pour la préparation du film.[7]
Le film durait en tout huit heures et se composait de quatre parties qui présentaient l'histoire biblique chronologiquement:[8] de la création jusqu'à d’Abraham (1è partie), puis de la délivrance d'Israël jusqu'au au temps du prophète Élisée (2è partie), de l'époque du prophète Daniel jusqu'à la résurrection de Jésus (3è partie), et de la Pentecôte de l'an 33 à la fin du Millénium du Christ (4è partie).[9]
Les six premières copies du film furent présentées à New York (où eut lieu la première projection), Cincinnati, Cleveland, St Louis, Toledo et Boston.[10] La première projection en Angleterre eut lieu le 14 juin 1914,[11] le film étant alors diffusé deux fois par jour pendant six jours consécutifs et Russell prononçant une introduction à la projection.[12]
Organisation
Aux États-Unis, Clayton Woodworth s'entraîna à utiliser le film, puis enseigna à d'autres la façon de procéder. Le 19 mai 1914, Russell, accompagné de trois formateurs, arriva en Angleterre à bord du S.S. Lusitania afin d'entraîner des responsables des Étudiants de la Bible de différents pays d'Europe (France, Suisse, Allemagne, Danemark, Suède, Finlande) dans la projection du film; il resta en Europe jusqu'au 20 juin de la même année, et repartit à bord du S.S. Aquitania. Le mois suivant, trois classes préparatoires — deux anglaises et une écossaise — avaient formé 15 Étudiants de la Bible, et une autre classe était alors programmée.[11]
Une vingtaine d'exemplaires (12 en avril 1914)[13] du film fut produite et servie à une projection quotidienne dans 80 villes[14] — généralement, des villes de plus de 50 000 habitants —,[15] ce qui impliquait un transport rapide du coûteux matériel de ville en ville. Par ailleurs, chaque congrégation devait avoir constitué un comité composé de un à trois adeptes destiné à prendre toutes les mesures pour faciliter la projection.[13][16]
Avant chaque projection publique, les adeptes réservaient des salles de spectacles afin de pouvoir projeter le film, après quoi une publicité était faite dans les journaux, par des affiches murales de trois mètres sur et par des écrits distribués gratuitement, afin de convier la population.[17] Avant l'ouverture du drame, le Surintendant devait vérifier que la publicité était effectuée dans les journaux et que la classe biblique de la localité ait bien utilisé les affiches publicitaires partout dans la ville, par exemple aux fenêtres. La classe devait également proposer un placeur en chef ("Chief Usher" ou "Floor Manager") qui pouvait être un frère ou une sœur et dont la responsabilité était de superviser le travail des autres placeurs et veiller au bon accueil du public. Autant que possible, les sœurs placeuses devaient porter des robes blanches, pour les distinguer du public, ainsi qu'une sorte de chapeau de style uniforme ayant un design soigné et se composant de deux cocardes de ruban de satin blanc. Les enfants de moins de douze ans n'étaient pas autorisés à assister à la projection, sauf s'ils étaient accompagnés, et devaient dans ce cas être placés à l'arrière et surveillés par les placeurs. L'entrée était interdite aux bébés; si jamais une exception était faite à cette règle, la mère devait s'assoir près de la porte et promettre de sortir si l'enfant pleurait.[18]
Lors du sermon final, après la quatrième partie du drame, l'orateur attirait l'attention sur les réunions du mouvement dans la ville et en donnait l'adresse, voire distribuait, après le service, des cartes sur lesquelles elle figurait. Dès l'ouverture de chaque projection, une série de livres était amenée sur le lieu afin de servir comme exemplaires de présentation jusqu'à la fin du drame, où ils pouvaient être vendus, l'argent étant remis au représentant choisi de la classe. Les commandes reçues étaient envoyées directement au bureau de la Watch Tower par l'intermédiaire du représentant de la classe. Russell précisait qu'il fallait éviter de déployer des efforts spéciaux pour vendre les Études dans les Écritures, ceci afin de ne pas donner l'impression que c'était là le but de la projection. À la fin de celle-ci, l'orateur demandait les adresses des visiteurs, puis les distribuait aux adeptes qu'il estimait qualifiés pour effectuer les visites.[18]
Généralement, chaque partie du film était présentée pendant une semaine.[19] Parfois, la Watch Tower connut quelques difficultés à projeter le film: par exemple, vers 1917, à Guelph, en Ontario, une loi du conseil municipal interdisait la projection le dimanche.[20]
Eurêka-Drame et Scénario
Il y eut deux versions réduites du drame appelées Eurêka-Drame destinés aux plus petites villes et aux assistances réduites:
- L'Eurêka-Drame Outfit No. Y: composé de trois parties, les images étant montrées par stéréopticon.[21]
- L'Eurêka-Drame No. X: composé de diapositives et de discours, mais sans animation.[22]
Une brochure récapitulant le film, intitulée Scénario du Photo-Drame de la Création, fut vendue par la Watch Tower en quatre éditions: une de luxe avec des bordures dorées et du papier fin (prix: 1 dollar), une autre en tissu (0,50 $), une autre très illustrée en papier (en trois parties, total: 0,25 $; chaque partie séparément coûtant 0,10 $) et une autre avec une seule photo sur chaque page (gratuite). Suivant les versions, cette brochure contenait un certain nombre de reproductions des diapositives du film ainsi que tous les commentaires qui les accompagnaient.[23][24][25] La brochure fut traduite en de nombreuses langues: allemand, arménien, dano-norvégien, espagnol, finlandais, français, grec, italien, polonais et suédois.[26]
Coût
Ce film coûta environ 300 000 dollars,[27] et l'auteur Fredrick Zydek estime que le coût actuel (en 2010) serait d'environ trois millions de dollars.[19] Il s'agit probablement du film le plus cher de son époque.[28] En outre, Russell acquit les droits du Temple de New York pour la première diffusion aux États-Unis, ce qui coûta entre 300 et 350 000 dollars en plus des dépenses normales liées à la projection du film.[29]
Certaines diapositives coutaient jusqu'à 10 dollars; une séquence montrait un panorama représentant du cirque de Néron, et l'original ayant été détruit par le feu, la représentation utilisée dans le film était peut-être l'unique reproduction au monde et valait très cher.[13] Quant aux Eurêka-Drames, le prix unitaire était de 262,50 dollars (soit 87,50 dollars pour chacune des trois parties) pour le No. Y et de 38,50 dollars pour le No. X.[21] Déjà en mai 1914, soit quatre mois après la première projection, Russell reconnaissait qu'"à moins que le Seigneur ne fasse un miracle, [ils] manqueraient de fonds", mais précisa que les classes locales de l'International Bible Students Association où le drame serait projeté avaient émis le souhait de financer celui-ci.[30] En 1915, l'équipement coûteux provoqua une chute des recettes de la Société Watch Tower cette année-là, et les contributions diminuèrent de moitié par rapport à l'année précédente, les donateurs ayant surtout contribué au niveau de la location des salles et de l'achat des souvenirs autour du film.[22]
Bien que la location du lieu coutait de l'argent, l'entrée était libre, et aucune quête n'était faite;[31] toutefois, une boîte à offrandes était destinée à recevoir les dons et des stands présentaient la littérature du mouvement ainsi que des souvenirs, ce qui permettait d'effectuer quelques recettes.[32] Outre les brochures du Scénario, les souvenirs incluaient une épinglette baptisée "Peace Pin" faite en celluloïd et affichant la tête de l'enfant Jésus, avec le mot Pax ("paix" en latin).[13]
Il y avait également une autre forme de dépenses liées au Drame qui n'apparaissait pas dans le rapport financier annuel, à savoir, celles supportées par les différentes classes en lien avec le film. En décembre 1914, trois d'entre elles avaient dépensé plus de 10 000 dollars chacune en rapport avec la projection. L'ensemble de ces frais pour toutes les classes étaient alors estimé à un montant compris entre 150 000 et 200 000 dollars, qui s'ajoutait donc aux dépenses figurant dans le rapport annuel. Rien qu'aux États-Unis et au Canada, 7 850 000 exemplaires gratuits du Scenario avaient été distribués durant l'année 1914.[7]
Selon le rapport annuel de 1914 de la Société Watch Tower, sur une total de dépenses s'élevant à 565 634,39 dollars, 314 876,91 dollars avait été utilisés en lien avec le Photo-Drame.[33]
Assistance et réception critique
Durant l'année 1914, plus de neuf millions de personnes, en Amérique du Nord, en Europe et en Océanie, avaient visionné le film.[34] Rien qu'aux États-Unis, dix millions de personnes assistèrent à l'une des projections avant la fin de la Première guerre mondiale.[35] En tout, il y eu 20 000 représentations réparties en quelque 4 000 lieux.[29]
En décembre 1914, il y avait 56 Eurêka-Drame No. X en circulation, et six d'entre eux avaient projeté le film 60 fois en 19 lieux différents, totalisant 1 231 assistants, soit une moyenne de plus de 20 par projection. 29 des 45 exemplaires de l'Eurêka-Drame No. Y avaient été utilisés pour 804 projections en 272 lieux, comptabilisait 69 053 assistants, soit une moyenne de 86 par projection, et 3 597 demandes de publications.[7]
Le Photo-Drame reste l'un des films les plus innovants de l'Histoire.[36] L'ouvrage Cela ne pouvait arriver qu’à Pittsburgh (anglais) le considère comme étant "le premier film à grand spectacle",[37] tandis que l'historien Bernard Blandre le qualifie de "réalisation assez extraordinaire pour l'époque".[38]
À l'époque de sa diffusion, la presse en fit régulièrement l'éloge. Par exemple, un journal d'Afrique du Sud rapporta: "Le succès que connaît la diffusion de cette remarquable série de films bibliques prouve que l’Association internationale des Étudiants de la Bible a fait preuve d’initiative et de clairvoyance en la diffusant dans notre pays."[39] Selon Zydek, le New York World fit l'éloge du film, encourageant les gens à assister à la projection, et le Brooklyn Daily Eagle le considéra comme un succès monumental.[40] Fin 1914, le Leavenworth Echo loua le film ayant des "images qui sont incontestablement les plus belles jamais produites",[41] tandis que le Hayti Herald présenta le film comme étant "un rare plaisir" qu'"on ne pouvait pas se permettre de manquer".[42] En 1915, le Lestershire-Endicott déclara que selon les critiques, le Photo-Drame "incluait la plus remarquable collection de films et d'images jamais assemblés dans un seul programme".[43]
Selon les publications de la Watch Tower de l'époque, le film aurait permis de raviver la foi dans la Bible chez de nombreuses personnes et aurait même contribué à la diminution de moitié du taux de criminalité (cette affirmation reposerait sur le compte-rendu d'un journal dont les références ne sont pas données).[7]
Quelques articles de journaux ayant fait la promotion du Photo-Drame de la Création:
Théologie
Le film reflétait les conceptions théologiques de son créateur, beaucoup d'entre elles ayant été abandonnées. Par exemple:
- Une diapositive indiquait les différents signes du zodiaque;
- Une autre expliquait que les six premiers jours de création avait eu une durée totale de 42 000 ans;[44]
- Plusieurs diapositives présentaient des coupes de la Grande Pyramide de Gizeh;
- Jésus était montré comme ayant été mis à mort sur une croix.
Critiques
À l'époque
Certains Étudiants de la Bible se plaignirent que le langage du Photo-Drame était trop "doux et gentil". Russell répondit dans La Tour de Garde que de toute façon la Parole de Dieu était puissante et que de nombreuses membres du clergé, dont des prêtres et des religieuses, avaient ainsi assisté à la projection sans se sentir offensés par son contenu.[45]
Russell fut critiqué par certains, y compris au sein des Étudiants de la Bible, qui lui reprochaient d'apparaître trop souvent à l'écran, ce qui était perçu comme une volonté de se glorifier; en avril 1914, Russell répondit que cela était nécessaire car les éditeurs des journaux, qui faisaient de la publicité pour les projections, lui auraient assuré que sans cela, le film n'aurait été perçu que comme étant un simple divertissement; bien qu'affirmant trouver "déplaisante" cette auto-promotion, Russell expliqua que tout devait être fait pour les intérêts de la cause qu'il défendait.[46] Quatre mois plus tard, le pasteur répondit à cette même accusation qu'il "serait heureux si sa propre personnalité ne revenait pas tant" dans le film, mais que cela était "absolument nécessaire" pour deux raisons: d'une part le public ne prendrait que peu d'intérêt pour une société religieuse qu'il ne connaît pas, et d'autre part, la dissimulation de la personnalité dirigeante aurait pu être perçue comme hypocrite et trompeuse.[18] Concrètement, les journaux firent moins de publicité pour les projections du film que pour les sermons de Russell.[40]
De plus, les salles réservées pour la projection étaient fréquemment des salles de théâtre, des auditoriums, et d'autres lieux publics souvent somptueux, ce que certains critiquèrent, prétextant que les Églises auraient été des lieux plus appropriés. Russell se justifia en expliquant que les personnes catholiques, protestantes ou juives n'auraient pas voulu assister à la projection si cela s'était dans un lieu de culte d'une autre religion. De plus, les théâtres étaient heureux de projeter le film car cela contribuait à leur renommée et, dans un contexte de difficulté financière, ils proposaient des prix très raisonnables pour la location (entre 5 et 25 dollars par jour).[30]
Russell fut également accusé dans de "nombreuses lettres" qu'il reçut, tant par des adeptes que des personnes extérieures à sa religion, de pratiquer la ségrégation raciale lors des projections: en effet, les personnes noires devaient s'assoir à part, dans la galerie de la salle de spectacle. Dans son périodique, Russell expliqua qu'il avait constaté que l'assistance des Blancs diminuait lors qu'il y avait beaucoup de Noirs, les premiers ne voulant pas se mêler à d'autres races, et donc qu'il valait mieux procéder de la sorte pour ne pas décourager les Blancs. À toutes ces critiques, Russell déclara: "Nos explications furent apparemment entièrement satisfaisantes à tous ceux qui sont pleinement consacrés" — laissant donc sous-entendre que ceux qui n'étaient pas d'accord n'étaient pas vraiment consacrés — et que ceux qui rouspétaient sur ces points étaient "tenaces et hargneux". Pour lui, c'était une occasion de manifester l'humilité.[47]
Aussi bien certaines personnes extérieures au mouvement — que Russell qualifie d'"ennemis" — que des Étudiants de la Bible prétendirent que l'organisation était particulièrement riche puisqu'elle diffusait gratuitement le film dans des salles louées, et donc qu'il n'était pas nécessaire de faire des dons, ce que Russell déplora, car l'absence de dons pouvait compromettre les projections ultérieures; toutefois, il dit s'en remettre au Seigneur à propos de cette question.[18]
Plus généralement, Russell n'était pas consistant dans sa démarche: alors qu'il critiquait la théorie de l'évolution dans ce film, discréditant ainsi la science de son époque et déplorant la croissance du savoir humain comme non nécessaire à la foi, il utilisait toute la technologie d'alors pour promouvoir ses croyances.[48]
Enfin, le sociologue James A. Beckford estime que le caractère grandiose de cette entreprise servait une cause moins décelable de prime abord, expliquant: "Le projet attira un très grand nombre de personnes et aida à vendre d'énormes quantités de publications accessoires, mais plus importante que cette masse de publicité engendrée par le Photo-Drame furent certaines de ses implications sur le long terme pour le développement de la structure sociale interne du mouvement des Russellistes. Il accentua le haut degré de coordination entre les ecclesias (groupements locaux de disciples) qui avait rendu ce projet possible. Cela, à son tour, refléta le pouvoir de l'équipe dirigeante des quartiers généraux de Russell à manipuler la majorité des Russellistes dans la poursuite des propres buts de la Société Watch Tower. Cela manifesta aussi la dépendance grandissante des ecclesias en tant qu'organismes évangéliques à Russell et à ses co-directeurs comme distributeurs des vastes fonds nécessaires pour supporter un programme tel que le Photo-Drame".[49]
Aujourd'hui
Dans un numéro de février 2014 de La Tour de Garde,[50] la Société Watch Tower fit l'éloge du film à l'occasion de son anniversaire, à savoir un centenaire, le présentant comme "évènement exceptionnel de l'année 1914". Toutefois, il est précisé, de façon très succincte et sans détail, qu'"en 1903, un film religieux a été projeté dans une église à New York"; or, il est probable que ce film religieux était La Vie et la Passion de Jésus Christ (The Life and Passion of Jesus Christ), lancé et projeté la même année, en 1903. Ce film biblique, produit en France, a été le premier film enregistré avec des scènes colorées et de la musique, soit dix ans avant que le Photo-Drame ne soit réalisé. Ainsi, il est faux de dire que ce dernier a été une entreprise unique en son genre. Bertrand Augst dit à propos du film de 1903, en quatre parties: "Pendant plus de 10 ans, les Passions furent les plus longs films produits. Ils furent aussi les premiers films à plans multiples, et nous permettent donc d'y voir le développement du montage. Dérivés lointains des mystères de l'époque médiévale, les Passions ont été très populaires en France jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, malgré leur aspect théâtral et parfois suranné".[51]
De plus, l'article de La Tour de Garde reconnaît:[50] "Nombre des diapositives et la plupart des séquences filmées provenaient de studios professionnels. À Philadelphie, New York, Paris et Londres, des artistes de métier ont peint les diapositives à la main sur des plaques de verre, ainsi que les films, image par image". Non seulement cela signifie que la Société Watch Tower n'a pas été elle seule à l'origine du film, loin de là, mais surtout elle omet de dire que la majorité du contenu du Photo-Drame a été inspiré par une technologie qui était déjà utilisée à l'époque pour d'autres films. La Watch Tower aime se vanter de ces scènes colorées, alors qu'elle ne les a pas produites; celles-ci ont certes été refaites avec des acteurs du Béthel comme l'article le précise, mais cela n'était pas une innovation exceptionnelle, juste une copie d'une idée qui existait déjà. Bien sûr, cela ne remet pas en cause le caractère grandiose du film pour l'époque, mais montre à quel point la Watch Tower est toujours prête à se glorifier au détriment des autres religions qui, pourtant, avaient elles aussi produit des réalisations impressionnantes pour propager leur foi.
Enfin, la Watch Tower, toujours dans ce même article,[50] affirme que "d'une seule voix, [les chefs religieux] ont violemment critiqué le Photo-Drame. Certains ont même, ouvertement ou avec ruse, tenté d'empêcher le public de le voir". La Société ne précise pas qu'elle ne s'est jamais réjouie des initiatives religieuses des religions de la chrétienté, et qu'elle-même de la même manière dissuade fortement ses fidèles de prendre connaissance des œuvres religieuses produites par d'autres religions, considérant celles-ci comme des fruits de l'apostasie pouvant miner la foi.
Héritage
Deux sociétés cherchant à s'approprier le contrôle du Photo-Drame de la Création virent le jour peu avant le décès de Russell: 1/ la "Pyramid Film Company" fondée en 1915, à Dayton dans l'Ohio, avec George C. Driscoll, l'agent de publicité de Russell, comme président, l'adepte de Détroit Harold N. Nelson comme vice-président, et ultérieurement dans les années 1920, l'adepte Horace Hollister comme président; 2/ en mars 1916 dans le New Jersey, la "Mena Film Company", fondée par E.W. Kuehn de Toledo (président), le béthélite John G. Kuehn (vice-président), et Loyal W. Jones de Chicago (secrétaire-trésorier), avec un capital de 250 000 dollars. Le pèlerin R.R. Hollister se chargea de la distribution à l'étranger. Mena Film Company posséda des studios de production à Dayton et un bureau de marketing à New York.[52]
Le but de ces sociétés étaient d'acheter, de réparer et de projeter à nouveau le film. Le successeur de Russell à la présidence de la Société Watch Tower, Joseph Rutherford, donna initialement son approbation, mais la retira du fait de critiques provenant d'adeptes de la première heure.[53]
Quelques pays où le film fut projeté
Date de début de projection | Pays | Assistance |
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1914 | ![]() |
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Années 1930 | ![]() |
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Ressources sur le sujet
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Scénario du Photo-Drame de la Création, format pdf
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Présentation du Photo-Drame de la Création, youtube.com
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Photo-Drame de la Création, en 96 parties, youtube.com
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Site proposant le Photo-Drame de la Création en DVD, nombreuses photos
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